Monsieur Dorénavant

Publié le par Dan Rodgerson

 

Ce matin, la maîtresse nous a dit que lorsqu’un adulte, dorénavant, entrerait en classe, il fallait se lever. Nous on savait pas qui c’était ce Dorénavant mais on a dit oui d’accord parce que notre maîtresse on l’aime bien surtout quand elle a sa voix douce et gentille et après elle nous a interrogé sur la conjugaison.


L’après midi, on a fait des problèmes. Quelqu’un est venu et c’était juste au moment où j’avais trouvé la bonne réponse et j’ai pas pu dire à la maîtresse que le train arrivait à 15 heures 78.


On s’est tous levé d’un seul coup. Rufus s’est mis au garde à vous comme son papa qui est policier.  Il a claqué les pieds par terre si fort qu’il a écrasé l’orteil d’Alceste qui a craché le chewing gum qu’il mâchait.  Le chewing gum est tombé sur le cahier d’Agnan le chouchou et s’est collé sur la réponse. Agnan a ouvert la bouche pour dire quelque chose mais il a pas pu. Derrière moi quelqu’un a crié très fort. C’était Geoffroy. Il avait fait tomber son nouveau stylo à encre que son papa qui est très riche lui avait acheté.  C’était pas de chance car il était en train de changer la cartouche alors elle est tombée aussi et Clotaire en se levant  a marché dessus. C’était rigolo parce que la cartouche a éclaté et il y avait plein de petites mouches bleues sur le cartable de Eudes. Comme la fois où la maîtresse nous avait dit de faire des taches de peintures sur nos feuilles, pour s’exprimer qu’elle avait dit.


Eudes lui aussi s’est exprimé et a donné un coup de poing sur le nez de Clotaire et lui a parlé de sa mère et qu’elle pouvait faire un pique nique ou quelque chose comme ça.


Et là ça a été terrible. On s’est tous retourné pour voir la bagarre. Rufus voyait rien et il est monté sur une chaise. Il n’a pas remarqué la bouteille d’eau de Joachim qui était ouverte. L’eau s’est renversée dans le sac de Maixent. Ca  n’a pas plu à Maixent. Je ne comprends pas, l’eau ça ne salit pas et c’est vrai que c’est moins bien que les beaux dessins avec les taches. Mais je crois que c’est parce que son illustré était tout trempé que Maixent a donné des tas de claques à Rufus et qu’il lui a jeté à la figure son illustré.


Nous du coup on savait plus où regarder car les deux bagarres étaient formidables. Même la maîtresse criait. Je crois qu’elle voulait encourager tout le monde.


Le monsieur Dorénavant est sorti de la classe. C’est Agnan qui l’a vu et il a voulu le dire à tout le monde et puis il a glissé sur l’illustré mouillé. Ca a fait un grand boum et après sa jambe elle était placée tout bizarrement sous sa cuisse. Il criait plus fort que tout le monde. Je savais pas qu’il pouvait crier aussi fort.


Un peu plus tard, le directeur est rentré  dans la classe et il a dit qu’est-ce que c’est que ce chahut. Mais là on n’a pas eu besoin de se lever. On était déjà tous debout. On remettait les tables en place et on épongeait l’eau avec nos pulls. La seule qui était assise c’était la maîtresse. Elle avait des larmes dans les yeux comme maman quand on lui annonce une bonne nouvelle ou quand je suis bien sage et qu’elle est contente.

 

 

J'ai écrit ce texte il y a quelques années. Il est un pastiche du "petit Nicolas" de Goscinny et Sempé comme celui-ci.


Il est né à l'occasion d'un conseil d'école où des parents voulaient discuter du point suivant : Les enfants se lèvent dès qu'un adulte rentre en classe.


Nous étions plusieurs enseignants à penser que ce n'était pas une bonne idée, les enfants ayant souvent des difficultés à faire un travail sur la durée.


Toute interruption  nuit à une atmosphère de concentration sereine.


J'ai lu ce texte devant le conseil d'école, parents et enseignants réunis.


Le débat en est resté là.


Publié dans histoires comme ça

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L
<br /> Très cher Dan, la demande de ces parents traduit un soucis de canaliser des enfants difficiles dans un contexte de banlieue. Une banlieue qui s'est fait remarquée au niveau nationale par le<br /> lancement de la mode des voitures brûlées, me semblent-t-il. Ces parents souhaitent le rétablissement du respect des générations plus âgées.<br /> Vous mettez votre plume au service de la cause de la subversion de l'ordre. Cet ordre qui nie la réalité de l'enfant et qui en fait de l'aider à se structurer dans son travail viendrait le<br /> déconcentrer. Je ne peux qu'approuvé cet usage de votre plume, très cher Dan.<br /> <br /> <br />
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