Pour l'ivresse de ce flacon

Publié le par Dan Rodgerson

Voici un texte pour la petite fabrique d'écriture dont le thème et les règles d'écriture sont définis ici.

 

Un intérieur bourgeois meublé simplement. A droite, un bureau derrière lequel s’ouvre une grande fenêtre sur un jardin fleuri. Une cheminée éteinte. A gauche un bahut à côté d’une porte à deux battants en bois massif. Quelques portraits accrochés au mur. Sur le devant un petit guéridon avec deux fauteuils Voltaire.

Un homme d’une quarantaine d’années est assis à son bureau. Il écrit. A sa droite est posé un petit paquet entouré d’un ruban rose. L’homme est vêtu avec élégance mais sans ostentation. Un autre homme, plus âgé, essuie des bibelots sur la cheminée et le bahut. Ses habits sont simples, propres, rapiécés avec soin.


 

Le domestique

Monsieur !


Monsieur

                 Qu’y a-t-il donc ?


Le domestique 

                                            On a sonné à l’huis !


Monsieur 

Eh bien dépêchez-vous, ouvrez sans attendre.


Le domestique 

Pourtant, vous m’aviez dit…


Monsieur 

                                           C’est mon cher Clitandre !


(Le domestique fait entrer un homme plus jeune, d’une trentaine d’années. Il porte les derniers habits à la mode, dont une chemise à jabot, largement échancrée. Monsieur et l’homme qui vient d’arriver se saluent d’un regard et d’un petit mouvement de tête.)


Monsieur (au domestique)

Ne me dérangez plus, laissez moi avec lui.

Allez donc à l’office nous préparer du thé

Quelques pâtisseries, entremets et pâtés.


Le domestique 

Mon bon Monsieur, j’y vais.


Monsieur 

                                            C’est cela, disposez !

(réfléchissant)

Ah, j’y pense à l’instant. Apportez du rosé.


(Le domestique sort. Clitandre s’assied.)


Clitandre

Vous m’avez fait mander ?


Monsieur

                                         Par un mot, hier au soir.

Ce que j’ai à vous dire, je ne peux y surseoir.


Clitandre

Je suis, mon cher ami, attendu au logis

Une charmante enfant, arrivant de Paris.


Monsieur

Las ! Par monts et par vaux, en amourettes vaines

Vous êtes emporté, me laissant à ma peine.

Cela fait deux mois que je suis sans nouvelle.

Encore une conquête ?


Clitandre

                                   Oui, mais elle est si belle.


(Monsieur s’assied, les épaules légèrement affaissées à côté de Clitandre. Puis se reprend.)


Monsieur

Au cours du mois dernier j’ai acquis un objet

Je l’ai rangé ici, dans ce petit paquet.

Il est muni d’un manche ainsi que d’une hélice.

Quand vous l’aurez en main…


Clitandre

                                            Arrêtez ce supplice !

Vous me faites languir avec tous ces mystères.

Parlez clair à la fin, et restez terre à terre.


(Monsieur ouvre le paquet.)


Monsieur

Cet objet élégant, racé et métallique

Saura vous dispenser de toute la panique

Que l’on a quelquefois quand un petit flacon,

Refusant de s’ouvrir, nous rend fou pour de bon.

Vous pourrez donc dès lors goûter avec ivresse

A son liquide ambré avec joie et sans stress.


(Monsieur tend l’objet à Clitandre.)


Monsieur

Eh bien, qu’attendez-vous ?


Clitandre

                                           C’est un très beau cadeau

J’en avais plus qu’assez de ne vivre que d’eau.


Monsieur

Pour votre bon plaisir, carafes et flacons

Partout, à tout moment, sans effort s’ouvriront.


(Le domestique entre, apportant un plateau garni des choses demandées. Monsieur saisit une bouteille et prend l’objet.)


Monsieur

D’une pression bien ferme, ici vous l’enfoncez.

Tournez, tournez encore. D’un coup sec vous tirez.


Clitandre

N’ajoutez plus un mot, vous m’avez convaincu.

Je l’accepte avec joie.


Monsieur

                                  Heureux qu’il vous ait plu.


Clitandre

Mais il est temps pour l’heure…


Monsieur

                                               Vous devez me quitter,

Retrouver cette enfant dont vous m’avez parlé.


Clitandre

Je reviendrai bientôt.


Monsieur

                                   Nous aurons plus de temps

Pour nous connaître mieux ?


Clitandre

                                              Et deviser gaiement.


Il sort. 

 

 

Avez-vous trouvé de quel objet il s'agit ?


Si oui, vous pouvez l'indiquer dans les commentaires.


Si non, il vous faudra attendre la fin du jeu, donc après le 1er février.

 


Publié dans histoires comme ça

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article
S
<br /> Allo Dan, c'est trop drôle ces manières.. pour tirer la jalousie? Objet souvent de couleur rose dans notre coin de pays.. Beau choix de texte. À bientôt Dan<br /> <br /> <br />
Répondre
Q
<br /> Dans la mesure où les commentaires ne sont pas modérés, je ne dirai rien ici... mais c'est une page digne des plus grands auteurs.<br /> <br /> J'ai ri. Merci, Dan.<br /> J'espère que Monsieur se remettra vite de la contrariété subie en se voyant délaissé au profit d'une nouvelle conquête...<br /> <br /> L'amitié n'est pas toujours chose facile.<br /> <br /> Passe une belle journée, Dan. Encore bravo pour ce moment de théâtre.<br /> <br /> <br />
Répondre
D
<br /> <br /> J'ai effectivement lorgné du côté de Peyrefitte (Roger pas Alain) et de ses amitiés particulières. Je suis content que tu aies vu le sous-texte comme on dit quand on veut faire savant. Merci pour<br /> tes encouragements.<br /> <br /> <br /> <br />
L
<br /> Oh ben non, il ne faut pas noter dans les commentaires le nom du fameux objet. Cela viendrait déflorer toute l'ambiance qui se crée du fait qu'il n'est pas nommé.<br /> Mon beau Monsieur, vous nous apprenez là que si les noms charmants et poétiques dont vous ornez votre flacon lui donne un charme certain, le jabot lui est loin de faire la qualité de l'individu.<br /> <br /> <br />
Répondre
D
<br /> <br /> Les meilleurs jabots sont ceux de Bayonne, c'est bien connu.<br /> <br /> <br /> <br />